J'ai jamais été capable de faire quelque chose de particulièrement long, alors bon... je vais pas faire un topic par nouvelle ¬¬ Je commence par le plus récent "Illusions" (je doute que ce soit le meilleur, par contre). Un copain m'avait mise au défit d'écrire quelque chose sur ce thème, je m'y suis penchée...
Illusions
__On m'avait promis un voyage extraordinaire, lorsque je les avais achetées. Sans aucun doute, m'avait assuré un ami, elles seraient pour moi un bien meilleur remède. Et puis, mon fournisseur était un homme adorable: subtil, fine mouche, il avait le regard intelligent et le sourire juste assez manipulateur pour qu'on aie confiance en lui. Je rentrai chez moi, une lueur d'excitation dans les yeux, et, me posai dans mon fauteuil de velours noir, usé par la poussière, ponctuant le geste d'un soupir las mais heureux. Je sortis donc mon tout dernier achat de ma poche, en nettoyai soigneusement l'extrémité d'un coton désinfecté, et plongeai dans ma chair palpitante l'aiguille rafraîchie d'antiseptiques.
Un instant, je contemplais mon salon en désordre, comme si c'était la dernière fois que mon regard terni d'ennui pouvait l'apercevoir. De mystérieux sentiments s'insinuaient dans mon esprit, comme si les objets... vivaient... Des vêtements traînaient jusque dans les moindres recoins, se prélassant paresseusement sur le faux parquet clair constellé de tâches d'encre, sombres étoiles, ciel luisant; mes meubles de mauvaise qualité, recouverts d'une pellicule de saleté, semblaient pris d'une lourdeur hautaine.
Ô, énigmatique émoi! Et cette vieille horloge en acajou, battant le temps d'une une régularité inouïe qui me dépassait, elle et ce pouvoir de contrôler le temps, ne lui permettant d'écouler ses secondes que quand son balancier daignait atteindre une extrémité ou l'autre de son court parcours. Seules ces petites machines avaient le droit de posséder ce genre de privilèges: pour cela, je méprisais cette horloge.
Je poussais encore, un peu plus le piston d'un geste tranquille et sentais un liquide tiède se propager dans mon sang à grande vitesse. Je n'eus même pas le temps de desserrer la lanière de cuir qui serrait mon bras. Une inspiration, et déjà je basculais dans un autre monde. Un monde de rêves.
__Des larmes de soulagement mouillèrent ma vue; au fur et à mesure que le fluide parcourait mes veines, l'étreinte de la réalité, trop présente, trop cruelle, cessait d'étouffer mon âme, et je respirais enfin un air de liberté.
Ô, sublime sensation! Aucun remords, pour avoir vidé mon compte bancaire afin de te connaître enfin. J'obtenais mille délices grâce à toi. En l'espace de quelques secondes, mon salon n'était plus. Un vide parfait prit place, et, finalement, je fus seule, complètement seule dans un monde en lequel je n 'avais plus confiance. Redevenue fœtus, protégée de la réalité, comme enfouie de nouveau dans la déliquescente chaleur maternelle, à l'abri des autres et de leurs viles influences, hors de porté des manigances poisseuses que l'on menait dans mon dos depuis trop longtemps; ainsi isolée, rien n'avait plus d'importance. Je laissais la drogue m'offrir cette protection que j'avais toujours désiré retrouver.
__Puis je crus apercevoir de minces flammèches qui s'élevaient dans l'atmosphère nocturne; multicolores, elles ondulaient dans le vide, sans support aucun, tournoyaient autour de moi comme des poissons tropicaux piqués de curiosité. Leurs teintes chatoyantes, leurs formes étranges, leurs mouvements subtils, souples, sensuels même, hypnotisaient mon regard. Ces courbes ondulantes apparaissent, se mouvaient dans l'air, puis, comme perdant leur souffle bref, s'estompaient dans l'obscurité aussi vite qu'elles étaient apparues.
Ô, obscures lueurs d'espoir; vous éclairiez le sombre, assombrissiez le lumineux. Elles étaient le Mystère lui-même, lui et ses effluves aux exhalaisons d'incertitudes et de convictions, ces courbes aux gestuelles aliénées... Fascinée, je me m'octroyais alors la liberté de rêver, et, à cet instant, ne ressentais qu'apaisement.
__Bientôt, elles disparurent toutes, comme elles étaient venues, s'effaçant dans le noir, comme effrayées de quelque cauchemar étrange. Moi, revenant à la réalité, suffocant dans l'air, épaissi par le malheur, munie du peu de conscience qui me restait, j'empoignais maladroitement une autre seringue, et un liquide neuf envahit mes veines.
__La chaleur rassurante revint, mon souffle retrouva son rythme détendu. Je pouvais enfin nier ma fragile nature, et me sentir puissante, maîtresse de mon destin, grâce à cette nouvelle force qui nourrissait mon sang. Cette vague de bien-être entraîna une extase, une confiance en moi-même toutes nouvelles. Je voulais hurler au monde à quel point il était insalubre, ce monde de préjudices, ce monde de favoritisme, ce monde raciste, ce monde riche, pauvre, ce monde divisé et injuste! Monde malsain! Je voulais pourtant vivre, exister et me battre pour mes idéaux; enfin je me sentais
être, mon corps avait de la consistance, mon avis avait un poids. Je pouvais désormais aller en avant, poser un pied devant l'autre, montrer que j'étais bien là, pour le meilleur et non plus pour le pire, assumer mes valeurs, si pertinentes qu'elles passaient pour surannées. J'étais capable laisser l'empreinte de mes convictions dans la société.
Ô, puissante vésanie! je possédais ton pouvoir.__Le temps passait trop rapidement, incontrôlable, fugace et fuyant. Je crus apercevoir cinq, six seringues vides sur mes genoux tremblants. Je me sentais plonger dans le néant; quelque chose de véritablement profond, qui renfermait, loin sous ce sentiment de plongeon, de la terreur. Une frayeur intense; celle qui s'insinue dans les artères scandées par un coeur affolé, aux allures de phobie violente, soudaine, et qui n'apparaît que lorsque l'on prend conscience d'une réalité fatale, mortelle. Un râle imperceptible, gémissement d' affable agonie qui n'en finissait pas d'envahir ma chair s'échappa de ma gorge gonflée par une lente asphyxie. Le noir envahit ma vue, mon ouïe, seul un lointain goût de cendre persistait encore à coller à mes papilles. Je crus sombrer dans un océan âcre et visqueux, qui me privait de tous mes sens. J'avais peur, vraiment. La seule angoisse que l'humain peut véritablement ressentir, la seule qui n'est pas aussi superficielle que les autres...
__Ô, merveilleuses illusions; pouvais-je me douter qu'au delà de vos bienfaits, vous n'étiez qu'un prédateur raffiné?__... la peur de mourir, je crois.